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Contrainte par la menace russe et le désengagement américain en Ukraine, l’Europe tente de réagir en voulant se prendre en main sur les sujets de défense.
Vertigineux. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a annoncé ce mardi 4 mars la création d’un plan de 800 milliards d’euros pour “réarmer l’Europe”. L’enjeu est de taille pour le Vieux Continent, confronté à la fois à la menace sécuritaire que représente la Russie et au désengagement militaire américain défendu par Donald Trump. Ainsi, plusieurs questions se posent autour de l’architecture de défense en Europe.
Que contient ce plan européen de 800 milliards d’euros ?
Une Europe de la défense à 800 milliards d’euros, oui mais comment ? Le chiffre avancé a d’abord vocation à impressionner. Clairement, l’effort financier ne viendrait pas des institutions européennes, mais bel et bien des 27 Etats membres qui vont augmenter leurs dépenses de défense.
Pour y parvenir, Bruxelles prévoit de desserrer la vis budgétaire en mettant sur pause la sacro-sainte règle des 3 %. Pour rappel, les pays de l’Union européenne sont obligés, en théorie, de maintenir leur déficit en dessous de 3 % de leur PIB. Le plan défendu par Ursula von der Leyen propose donc d’exclure les dépenses de défense de ce mécanisme pour favoriser de nouveaux investissements militaires, estimés à près de 650 milliards euros sur quatre ans.
Autre grande proposition, la création d’un fonds européen de 150 milliards d’euros qui fournirait des prêts à des taux avantageux aux pays membres pour un investissement commun dans des équipements militaires (défense anti-aérienne, protection anti-missile, achat de drones et de munitions).
Qui paye combien en Europe aujourd’hui ?
En 2024, les dépenses militaires des pays de l’Union européenne ont représenté la bagatelle de 326 milliards d’euros. Soit 1,9 % du PIB de l’UE alors qu’Emmanuel Macron appelle à un rehaussement de 3 à 3,5 %.
En valeur absolue, c’est l’Allemagne qui dépense le plus en Europe (97,7 milliards de dollars en 2024) d’après les données de l’Otan, suivie par la France (64,3 milliards de dollars) et la Pologne (35 milliards de dollars), qui s’appuie sur la première armée de l’UE en termes de soldats (210 000 militaires).
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Mais l’indicateur le plus parlant, pour comprendre les efforts de chacun, est bien celui de la part de PIB consacrée par chaque pays à sa défense. Sur la première marche du podium en 2024, on retrouve la Pologne (4,12 %) devant l’Estonie (3,43 %) et la Lettonie (3,15 %). Autant de pays qui ont une frontière directe avec la Russie.
Le couple franco-allemand évolue dans les mêmes sphères (2,1 %) alors que les deux autres poids lourds économiques du continent que sont l’Italie (1,49 %) et l’Espagne (1,28 %), pays qui contribue le moins dans l’Otan, sont plus en retrait.
Combien coûte la dissuasion nucléaire française ?
Selon un rapport d’information de l’Assemblée nationale d’avril 2023, la dissuasion nucléaire hexagonale coûte “moins de 7 euros par mois et par Français”. Au global, ce sont 54 milliards d’euros qui vont être consacrés à cette mission spécifique sur sept ans, d’après la loi de programmation militaire votée à l’été 2023. Soit 13 % budget total de la défense sur la période 2024-2030.
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En matière nucléaire, la doctrine française s’articule depuis la chute de l’URSS autour de la notion de “stricte suffisance”. Ce qui se traduit par un arsenal composé d’environ 300 têtes, un chiffre jusque-là considéré comme crédible pour être pris au sérieux et causer des “dommages inacceptables” à quiconque serait tenter de menacer les intérêts vitaux de la France, seule puissance nucléaire continentale avec la Grande-Bretagne.
Notre dissuasion nucléaire est française, et elle le restera : de la conception et la production de nos armes, jusqu’à leur mise en œuvre sur décision du Président de la République.
Elle protège les intérêts vitaux de la France, que le chef de l’Etat est seul à définir : c’est… pic.twitter.com/BfZ2hbbBWQ
— Sébastien Lecornu (@SebLecornu) March 1, 2025
Alors que le futur chancelier allemand Friedrich Merz s’est montré, le 28 février à discuter sur “la question de savoir si nous ne pourrions pas bénéficier du partage nucléaire” en Europe, Emmanuel Macron a laissé la porte ouverte à cette possibilité. Tout en soulignant “les composantes très sensibles et très confidentielles” du sujet alors que Sébastien Lecornu, ministre des Armées, rappelle que la dissuasion tricolore “restera française” quoi qu’il arrive et que seul le président de la République avait un pouvoir de décision en la matière. Mais de rappeler néanmoins la dimension européenne des intérêts vitaux de la France.
Quel budget de la défense en Russie ?
Depuis l’invasion de l’Ukraine, Moscou a clairement basculé dans une économie de guerre. En 2024, le budget de la défense de la sécurité russe représentait 8,7 % du PIB. Du jamais vu depuis dans le pays depuis la fin de l’ère soviétique. Pour cette année 2025, la Russie a voté un budget de défense record à hauteur de 13,5 trillions de roubles (+30 % par rapport à 2024), soit l’équivalent de 140 milliards d’euros au taux de change actuel. Ce qui représente plus d’un tiers des dépenses publiques prévues dans le pays cette année.
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Concernant le nucléaire, la Russie est à la tête du plus gros arsenal mondial avec 5 580 ogives, soit 47 % des stocks de la planète selon la Federation of American Scientists. A titre de comparaison, les Etats-Unis disposent eux d’environ 5 000 têtes alors que le budget de la défense de Washington s’élève en 2024 à 967 milliards de dollars.