Vainqueur de cinq Tournois (1997, 1998, 2002, 2004, 2006), le recordman du nombre de sélection sous le maillot bleu (118) évoque le dernier rendez-vous de l’hiver face au XV du Chardon.
L’Écosse a-t-elle vraiment les moyens d’empêcher les Bleus de remporter le Tournoi ?
Non, j’en suis persuadé. D’expérience, je sais que l’enjeu est très important dans la motivation des joueurs. L’Écosse n’a pas grand-chose à jouer alors que nous, on a une victoire dans le Tournoi à assurer. On est en plus en pleine confiance parce que tous les matchs ont été bons. On a certes été maladroits contre l’Angleterre mais franchement, on a fait un match de belle facture. Je sais qu’on aime bien jouer à se faire peur et que les matchs de rugby, il faut les jouer avant d’obtenir la victoire mais je ne vois pas comment les Écossais peuvent contrecarrer les plans de cette équipe de France et son hégémonie, on peut le dire, lors de cette édition. Même si, paradoxalement, on ne peut pas faire le Grand Chelem.
L’absence d’Antoine Dupont peut-elle changer quelque chose ?
Je ne pense pas. La grande force d’Antoine, c’est de trouver des solutions qui n’existent pas dans des situations de pression où on est un peu pris. Et je pense qu’on ne sera pas pris contre l’Écosse. Physiquement, on est plutôt très bien, on en impose comme on l’a très bien vu à Dublin sur la seconde mi-temps. Je n’ai pas vraiment d’inquiétude par rapport à son absence.
Quel regard portez-vous sur l’utilisation stratégique du 7-1 sur le banc ?
Franchement, je trouve que c’est prendre beaucoup de risques pour finalement peu d’avantages. Oscar Jegou a fait une excellente rentrée au centre en Irlande mais je ne suis pas sûr qu’un centre aurait fait moins bien. Quand tu es hyper dominateur, tu peux faire jouer les joueurs un peu partout, ce n’est pas très grave.
Les possibles records, d’essais pour Bielle-Biarrey et Penaud, ou de points sous le maillot bleu pour Ramos, mais aussi de la perspective de victoire finale sont-ils des facteurs à même d’influer sur le match ?
Concernant les records, je ne suis pas sûr que les joueurs rentrent sur le terrain pour ça. C’est une génération qui est destinée à marquer l’Histoire de notre sport. Elle a l’occasion de le faire par une victoire et les records n’en seront qu’une conséquence. On a une équipe de France qui n’a pas encore assez gagné par rapport à l’émotion qu’elle nous donne et le plaisir que l’on prend quand on voit ses matchs. Je crois que les Bleus doivent maintenant concrétiser à travers les titres toutes les émotions et le bonheur qu’ils nous donnent. Il faut qu’ils se récompensent eux, en fait.
Dans la perspective du Mondial en Australie, que changerait un succès dans l’édition 2025 ?
Je crois que ça y est, on a changé d’ère samedi dernier. On a battu la meilleure équipe du monde de ces cinq dernières années. Et c’est un message pour dire que pendant cinq ans, on va dominer le monde. C’est peut-être le point de bascule qu’a révélé ce match. Personnellement, j’en suis persuadé. L’équipe d’Irlande a dominé avec une génération exceptionnelle qui est arrivée au bout et la nôtre est encore sur la pente ascendante. Mon sentiment est peut-être un peu biaisé par mon côté supporter mais en tout cas, les éléments statistiques le prouvent. C’était plus qu’une belle victoire en Irlande, c’était aussi un point de bascule dans la hiérarchie mondiale.
Qui a quand même besoin d’être concrétisé par un titre. Prendre un gadin dans la foulée ne serait pas du plus bel effet…
Franchement, je pense qu’il y a peu de risques car on a vu que cette équipe était quand même hermétique, qu’elle était tout le temps bonne. Il y a eu ces maladresses en Angleterre mais franchement, cela fait bien longtemps qu’elle produit tout le temps ce qu’elle a à produire. Je n’ai pas l’impression qu’elle ait trop de sautes d’humeur.
À titre personnel, vous avez remporté cinq fois le Tournoi avec quatre Grand Chelems à la clé. Comment se vit une semaine avec la victoire finale en ligne de mire ?
Un peu dans l’euphorie et dans la perspective de cette apothéose. Souvent, il y a quand même de belles entames de match parce que tu es plein d’énergie et contre une équipe qui n’a rien à jouer, c’est souvent dans le premier quart d’heure que tu fais la différence et assois une certaine supériorité. Ensuite, ça déroule. Je vois un match plutôt maîtrisé de bout en bout pour faire en sorte que tout le monde puisse le vivre dans les bonnes conditions. Je crois beaucoup à la puissance de l’enjeu et à la motivation par rapport à l’enjeu. Pour battre cette équipe de France, il faut tout avoir en ce moment : la super motivation, un peu de chance, le coup de pouce du destin et franchement, je pense que les circonstances ne sont pas réunies pour les Écossais qui ne jouent rien.
Lors de votre dernier Tournoi remporté en 2006, vous n’étiez plus en lice pour Grand Chelem depuis la défaite en Écosse lors de la première journée. Est-ce différent à aborder ?
Cela n’a pas tout à fait la même saveur. Gagner un Tournoi, c’est bien, c’est un titre mais ce n’est pas marquant. Si on fait deux ou trois Grand Chelems d’affilée dans les prochaines années, cette victoire en plus ou en moins sera anecdotique au regard de l’Histoire. Mais c’est toujours bien de le faire et de se récompenser.
