L’Anses a publié le 24 mars un rapport d’expertise qui alerte les consommateurs sur les dangers des perturbateurs endocriniens présents en grande quantité dans les produits à base de soja. Jean-Michel Cohen, médecin nutritionniste, revient en détail sur ces risques.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a mis en garde les consommateurs, lundi 24 mars, contre la présence d’isoflavones, des perturbateurs endocriniens, dans le soja. Les produits alimentaires à base de cette graine, très privilégiés par les personnes qui suivent des régimes sans viande, pourraient être retirés des cantines scolaires.
Quels sont les risques pour la santé liés à la consommation de soja ?
Jean-Michel Cohen : Les risques ne sont pas nouveaux, mais ils sont désormais identifiés et caractérisés. Le soja contient des isoflavones, un terme compliqué désignant les produits qui ressemblent aux hormones féminines, comme les œstrogènes. En l’occurrence, quand on les trouve dans les végétaux, on les appelle phytoœstrogènes. Ils appartiennent aux substances que l’on nomme des perturbateurs endocriniens.
Le soja perturbe le fonctionnement des hormones qui agissent sur la croissance morphologique des enfants, mais aussi celle de leur cerveau et de leurs organes. Les œstrogènes étant des hormones de la fertilité, les isoflavones interviennent également dans la reproduction. Mais elles peuvent influer sur l’ensemble du fonctionnement du corps, notamment sur la glande thyroïde qui régule nos systèmes hormonaux.
Par conséquent, le déficit ou l’excès d’hormones a des implications sur le bon fonctionnement de l’organisme. On évoque depuis longtemps les risques de la consommation de soja en matière de perturbation hormonale chez les femmes, au point qu’on recommande souvent aux patientes atteintes d’un cancer du sein de supprimer le soja de leur régime.
À quelles doses le soja est-il dangereux ?
C’est une question assez compliquée car les doses viennent d’être définies et dépendent de l’âge des consommateurs. D’abord, quand on parle des doses, on parle des isoflavones, pas du soja en soi. Le seuil de risque se situe à 20 microgrammes par kilogramme de poids de corps et par jour.
Avec les aliments à base de soja, ce seuil est vite atteint : un yaourt par jour peut très bien valoir plus de cinq fois la dose acceptable pour un adulte, et presque 50 fois celle pour un enfant. Quant à une boisson de 250 millilitres, elle contient près de l’équivalent de trois semaines de consommation de soja.
Il est pour le moment difficile de voir l’implication que cela va avoir. Les dangers ne sont pas avérés mais potentiels. De plus, ils concernent surtout les enfants et les jeunes adolescents, moins les adultes, sauf dans les populations à risque comme les femmes enceintes. Mais il convient tout de même d’être attentif.
Les personnes qui suivent un régime sans viande consomment beaucoup de soja. Comment s’adapter ?
Le soja a envahi la nourriture car, de tous les produits végétaux, il est celui qui apporte le plus de protéines. Des alternatives existent, mais moins protéinées. C’est le cas notamment des légumineuses et des oléagineux. Il va donc falloir repenser l’alimentation mais, pour l’instant, aucun effort n’est fait. Au contraire, on constate une augmentation de la consommation de yaourts et de lait de soja.
A lire aussi :
C’est quoi la léghémoglobine de soja présente dans les steaks d’Impossible Foods ?
Cette évolution est d’autant plus inquiétante que les produits en question sont très transformés. Pour les fabriquer, il faut y ajouter un tas de choses qui diminuent leur valeur nutritive. Mais, inexorablement, les alertes sur le soja vont prendre de l’essor et ces produits seront pénalisés. Et c’est tant mieux.
