Il y a des mois qui semblent compter triple. Donald Trump a été investi 47e président des États-Unis le 20 janvier et on a l’impression que c’était il y a une éternité tant il sature les médias et nos esprits de multiples déclarations tonitruantes tandis qu’Elon Musk s’attaque à tout ce qui faisait tenir l’État de droit. Uns stratégie jadis théorisée par son conseiller Steve Bannon qui fonctionne parfaitement. Les Européens vont de sidération en sidération face au rehaussement généralisé des droits de douane, à la volonté d’accaparement du Groenland ou du canal de Panama, ou à l’improbable transformation de Gaza en une Riviera du Proche-Orient.

Mais le plus traumatisant pour eux est bien sûr la spectaculaire volte-face sur le dossier ukrainien : le 7 décembre à Notre-Dame de Paris, Donald Trump semblait se tenir aux côtés de Volodymyr Zelensky, deux mois plus tard, voilà ce dernier qualifié de « dictateur sans élection » et accusé d’avoir déclenché la guerre en Ukraine, à quelques jours du 3e anniversaire du conflit – ce qui est évidemment faux.

Quant au vice-président JD Vance, ombrageux ultraconservateur libertarien, il s’est exprimé à la conférence sur la sécurité de Munich, non pas sur l’Ukraine ou la sécurité, mais sur les valeurs que l’Europe aurait perdues, submergée par l’immigration. La charge brutale a arraché des larmes à certains…

L’Europe KO debout

La violence des choix et des propos, le renversement d’alliance qui semble se dessiner quand on voit Trump reprendre la rhétorique de Poutine, sont tels que l’Europe est apparue KO debout, incapable de réagir.

Seul Emmanuel Macron – qui veut croire qu’il a encore une relation particulière avec Trump – a réagi en convoquant le 17 février un mini-sommet à sept pays avec le Royaume-Uni, le Conseil et la Commission européens, et l’Otan. Mini-sommet prolongé le lendemain avec une autre réunion avec plusieurs autres membres de l’UE. Objectif : arrêter une position commune et engager cette Europe de la Défense que Macron appelle de ses vœux depuis 2017…

Affaibli sur la scène politique intérieure depuis la dissolution ratée, Emmanuel Macron se déploie sur la scène internationale et mouille la chemise pour appeler l’Europe au sursaut et convaincre les Français que les petits débats politiques sont bien peu de chose face à la « menace existentielle » que fait peser la Russie sur l’UE.

Entretien dans la presse régionale dont La Dépêche du Midi, échange questions-réponses avec des Français – inquiets de la situation – sur les réseaux sociaux, réunions des partis politiques en format « Saint-Denis » : Emmanuel Macron se démène pour porter la voix de la France et de l’Europe.

Convaincre Trump de travailler avec les Européens

C’est avec cette double casquette qu’il se rend ce lundi à Washington pour un déjeuner de travail avec Donald Trump à la Maison Blanche. « Le Président a des contacts réguliers avec Donald Trump, il a une relation unique car il est l’un des rares chefs d’État de gouvernement au monde à avoir l’expérience du premier mandat », souligne-t-on à l’Elysée.

En transparence, Emmanuel Macron a expliqué sur les réseaux sociaux les grandes lignes de ce qu’il allait dire au président américain qui continue à souffler le chaud et le froid sur Kiev. « Je vais lui dire : au fond, tu ne peux pas être faible face au président Poutine. Ce n’est pas toi, pas ta marque de fabrique, c’est pas ton intérêt. Comment ensuite être crédible face à la Chine si t’es faible face à Poutine », a expliqué le Président. « La deuxième chose à dire : si tu laisses l’Ukraine prise [par Poutine, la Russie] sera inarrêtable pour les Européens [car elle] va récupérer l’Ukraine et son armée qui est une des plus grandes d’Europe, avec tous nos équipements, y compris les équipements américains. C’est une faute stratégique énorme », a encore plaidé M. Macron, qui veut convaincre Donald Trump que « c’est son intérêt de travailler avec les Européens en ce moment ».

Reste à savoir si le Donald Trump du second mandat sera réceptif à ces arguments…