Depuis sa réinvestiture, Donald Trump semble grandement influencé par les “Lumières sombres”, un courant de pensée issu de la Silicon Valley. Celui-ci rejette la démocratie et le progressisme au profit d’une monarchie capitaliste absolue où l’État est géré comme une entreprise.
Donald Trump et son administration seraient influencés par une école de pensée américaine nommée la “néoréaction” ou les “Lumières sombres” (Dark Enlightenment). Les intellectuels se revendiquant de ce courant, de plus en plus influent outre-Atlantique, prônent la fin de la démocratie et de ses idéaux progressistes, à l’opposé des penseurs du XVIIIe siècle.
Le plus connu d’entre eux se nomme Curtis Yarvin. Cet informaticien de la Silicon Valley est l’auteur d’un blog où il publie depuis 2007 des écrits de philosophie politique sous le pseudonyme de Mencius Moldbug. Yarvin est un ami de J. D. Vance, de Michael Anton, directeur de la planification politique du président américain, et du milliardaire Peter Thiel, membre de la “mafia PayPal”, qui a financé sa société et est proche d’Elon Musk et de Donald Trump.
Un absolutisme entrepreuneurial
Néoréactionnaire et libertarien autoproclamé, Curtis Yarvin rejette la démocratie, jugée inefficace et engluée dans la justice sociale. Il lui préfère un État ultracapitaliste structuré comme une entreprise et dirigé par un monarque absolu. Il nomme cette théorie le “formalisme” : un gouvernement ne devrait se soucier que de son efficacité à maintenir l’ordre et assurer sa prospérité, au détriment des questions sociales et environnementales. Yarvin considère néanmoins que tout citoyen mécontent doit avoir le droit de quitter son pays pour un autre.
A lire aussi :
TÉMOIGNAGES. “Ce facho nous place dans une situation impossible à tenir” : à cause d’Elon Musk, ils ne veulent plus conduire leur Tesla
La néoréaction se distingue du courant alt-right, fondamentalement populiste, par son ultracapitalisme autocratique et élitiste. Elles partagent toutefois avec ce courant une dimension raciste et suprémaciste. En effet, Yarvin croit en l’infériorité intellectuelle des Noirs par rapport aux Blancs, qui devraient selon lui être à la tête des gouvernements.
Yarvin attire l’attention en 2008 en écrivant dans un traité que “l’absurdité est un outil d’organisation plus efficace que la vérité”. Cette affirmation tend à légitimer les fausses informations, arme de prédilection du camp Trump. La même année, il déclare sur son blog que “croire en l’absurdité est une démonstration de loyauté” et permet d’avoir “une armée”. Dans une autre publication, intitulée “Qu’y a-t-il de si mal avec les nazis ?”, il remet en cause la supériorité morale des Alliés.
L’héritage néoréactionnaire
Curtis Yarvin est vite repéré par Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump et président exécutif de Breitbart News. En 2016, un article de ce média d’extrême-droite décrivait l’œuvre de Yarvin comme “les premières pousses d’une nouvelle idéologie conservatrice”. L’intellectuel aurait également élaboré le plan de Donald Trump de faire de la bande de Gaza une nouvelle Côte d’Azur.
A lire aussi :
ENTRETIEN. Donald Trump veut transformer Gaza en Côte d’Azur : “C’est une négation absolue du droit international”
Les idées de Yarvin ont été reprises par Nick Land, philosophe britannique qui lui donne le nom de “Lumières sombres”. Land est un théoricien de l’accélérationnisme, une école de pensée qui défend le progrès de l’humanité par le biais d’un capitalisme effréné. Yarvin ne s’identifie pas à ce courant mais, comme lui, Land s’oppose à la démocratie, au progressisme et à l’égalitarisme, qui limitent selon lui la liberté et le développement humains.
Marc Andreessen, milliardaire et ingénieur informaticien, soutien de Donald Trump et contributeur au DOGE, est également proche de Yarvin et se revendique de la pensée de Land. Ainsi, en même temps que les chefs d’entreprise de la Silicon Valley gagnent en influence dans la politique américaine, les Lumières sombres irriguent aujourd’hui les plus hauts cercles du pouvoir.
