l’essentiel
À Moscou, la population semble inquiète du revirement américain après l’annonce d’une reprise de l’aide militaire à l’Ukraine et la proposition d’un cessez-le-feu de trente jours. Réactions dans les rues de la capitale russe.
Alors que le monde entier se réjouit de la possibilité d’un cessez-le-feu durant 30 jours accepté par Kiev, l’humeur est bien morose à Moscou. “Je pense que c’est très mauvais pour la Russie”, estime Boris, en essayant de se protéger sous son parapluie des gouttes d’eau glacées. “Alors qu’on est en train d’avancer dans la région de Koursk, cela permettra seulement à l’Ukraine de se réarmer.”
A lire aussi :
DECRYPTAGE. Guerre en Ukraine : “des changements de position assez rapides”… pourquoi l’accord entre Kiev et Washington pose question
L’administration Trump a également annoncé mardi qu’elle levait immédiatement sa suspension du soutien militaire à l’Ukraine et de son échange de renseignements avec Kiev, tandis que Moscou clame enfin d’avoir investi Soudja, dans la région de Koursk, sous contrôle de l’armée ukrainienne depuis août. Pas “un geste très accueillant de la part de Trump”, souligne le philosophe conservateur Alexandre Douguine, dont la fille est morte dans un “attentat terroriste” perpétré par Kiev.
Certaines voix sont plus virulentes. Le canal Telegram Voice of Mordor est succinct : “Une trêve de 30 jours ? Maintenant. Pour que la racaille de Soudja panse ses plaies, oui”, peste la chaîne Telegram Voice of Mordor.
La question des frontières
“Nous devons nous rappeler le principe fondamental qui s’applique à tous les cessez-le-feu : un cessez-le-feu est toujours dans l’intérêt de la partie qui bat en retraite. L’armée ukrainienne bat en retraite. Les forces armées russes avancent. Par conséquent, d’un point de vue militaire, le cessez-le-feu ne nous est pas favorable”, explique l’analyste politique russe Yuri Baranchik. Il l’est aussi politiquement, selon l’expert. “En définitive, il conduit au gel du conflit le long de la ligne de front. Qu’en est-il de la libération de la région de Koursk ? Et des régions de la Dontesk, de la Loughansk, de Zaporizhzhia et de Kherson dans leurs limites administratives en tant que partie de la Fédération de Russie ? La position de la Russie sur le règlement final de la question ukrainienne a été énoncée par Vladimir Poutine le 14 septembre 2024. La Russie n’a pas besoin d’une ligne de cessez-le-feu, elle a besoin d’une frontière d’État.”
“Tout dépend des conditions”, philosophe Aida, croisée au bord du canal, qui parle avec un fort accent du Caucase. “Si on demande à la Russie de rendre les terres qu’elle a occupées, dans quel but alors sont morts nos garçons ? J’ai de la compassion pour tout le monde, pour les Russes, pour les Ukrainiens. Je souhaite sincèrement que cette guerre se termine. Mais vous avez vu ce qu’ils ont fait (ndlr : avec l’attaque de drones) ? Le monde entier nous déteste, tous sont prêts à nous dévorer. La Russie est entourée d’ennemis.”
La guerre n’a jamais été aussi manifeste à Moscou. Mardi, la capitale a été victime du raid le plus massif depuis le début de la guerre, 91 drones ukrainiens ont été abattus au-dessus de la région de Moscou, et 337 drones au-dessus de tout le territoire russe. Même si toutes les traces de l’incident ont été rapidement balayées, l’arrière-goût dans la capitale reste amer.
Sanctions, arme ultime de Trump
Certains sont tout de même plus optimistes. “Bien que de nombreux arguments plaident en faveur d’un refus de l’offre de trêve (ou d’une tentative de sabotage), je pense qu’il est encore possible que le Kremlin accepte. Car conclure un accord avec Trump est la grande victoire que Poutine espère”, estime le journaliste d’opposition Dmitry Koleyzev.
A lire aussi :
Guerre en Ukraine : clash, volte-face… Donald Trump est-il en train de suivre un plan élaboré l’été dernier pour négocier la paix ?
“La grande question est de savoir quels termes de l’accord Trump proposera à Poutine”, souligne le politicien Lev Shlosberg, alors que le Kremlin a déclaré attendre des précisions de Washington avant de se prononcer sur cette proposition de cessez-le-feu. “L’arme principale de Trump, ce sont les sanctions : sectorielles et personnelles. L’économie russe est trop sollicitée, même si les ressources de la durabilité sont loin d’être épuisées. Poutine a besoin de la levée des sanctions. Il sera prêt à en discuter.”