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TÉMOIGNAGE. ‘Je veux mourir ici !’ : Dans cet établissement pionnier, on vit ses derniers instants ‘comme à la maison’

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Posted 3 hours ago by inuno.ai

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l’essentiel
Faute de solutions adaptées, Patrick et d’autres malades en fin de vie, mais aussi des personnes très âgées, trouvent refuge à la Maison Astrolabe, un lieu qui permet de profiter de la vie, entourés, jusqu’au bout. Précurseur, ce type d’établissement est appelé à se multiplier au cours de la prochaine décennie.

“Mon état se dégrade de jour en jour.” D’une voix mal assurée, Patrick Sévègnes, 63 ans, se souvient : “C’est arrivé d’un coup. Un jour, ma vie a basculé.” Ce grand gaillard souffre d’une atrophie multisystématisée, maladie neurodégénérative incurable. Ancien chauffeur de car à Agde, il ne peut plus vivre seul chez lui. Il n’a pas non plus sa place ni à l’hôpital, ni en institution spécialisée. À l’automne 2023, il a rejoint la maison Astrolabe, quelques mois après son ouverture.

Les professionnels de santé participent activement au suivi des habitants de dette maison
Les professionnels de santé participent activement au suivi des habitants de dette maison
DDM – Paul Gazut

Une auxiliaire de vie pousse son fauteuil roulant jusqu’à sa chambre, qu’il se fait une joie de nous faire découvrir. À première vue, ça ressemble étrangement à une chambre d’ado… avec son lit défait et des vêtements qui traînent. Aux murs, des photos de ses trois fils sont punaisées. Une autre le montre au volant d’une Porsche. Enfin, une grande mappemonde où sont mis en évidence tous les pays qu’il a connus au volant de son autobus. Ses trois fils lui rendent régulièrement visite. Le cadet, âgé de 16 ans, dort parfois sur place, près de son père.

L’humanisme d’une infirmière

Delphine Calicis, présidente de l’association Maison Astrolabe et coordinatrice de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) du Grand Gaillacois, veille sur ce lieu pionnier dans la prise en charge des personnes très vulnérables ou en soins palliatifs. “Nous avions du terrain, des projets d’habitats. La rencontre avec Delphine a été décisive pour construire cette maison à l’esprit familial, convivial et à taille humaine”, explique Michel Bonnet, maire de Cahuzac-sur-Vère.

Delphine, infirmière en soins palliatifs, a toujours été confrontée aux réalités de la fin de vie. “Des personnes isolées ou aidées par des proches épuisés.” Elle repense à un jeune père malade, seul, qui ne pouvait pas rester chez lui dans le Tarn : “Il est parti mourir loin d’ici, dans sa famille.” Tout en faisant visiter les lieux, elle précise : “Nous ne sommes pas dans un ghetto pour personnes âgées et malades en fin de vie.”

Un lieu de vie

Le lieu respire en effet la sérénité : une vaste pièce avec cuisine ouverte et grande table, deux salons avec piano, télévision et bibliothèque, et douze chambres de 22 m².

Les professionnels de santé participent activement au suivi des habitants de dette maison
Les professionnels de santé participent activement au suivi des habitants de dette maison
DDM – Paul Gazut

Chacun y vit à son rythme, avec la présence attentionnée et bienveillante de deux maîtresses de maison, salariées de la structure. Il arrive qu’un de ses habitants disparaisse. Le souvenir de cette jeune femme de 21 ans reste dans les mémoires : “Ça a été une leçon de vie”, lâche Delphine, avec une infinie pudeur.

“Cette maison est intégrée dans le village. Les gens viennent pour la vaccination, par exemple. Des villageois s’investissent bénévolement.”

Des rires, des conversations sans fin, deux chats et un chien, des bruits de cuisine, des plaisanteries qui fusent : la vie est partout. “La cohabitation entre les générations et la confrontation à d’autres pathologies est un élément essentiel”, assure Delphine. Ce n’est pas la doyenne qui la contredira.

“Je ne voulais pas finir à l’hôpital”
À 97 ans, Odette Dolle est toujours prête à donner un coup de main et à venir en aide à ses colocataires. “De ma ferme, j’en ai vu la construction.” Elle montre du doigt une bâtisse située dans la campagne environnante.

“Je ne voulais pas finir à l’hôpital comme mon mari. J’ai déménagé. C’est mon petit-fils qui habite mon ancienne maison. Depuis ma chambre, je peux le surveiller”, dit-elle, en éclatant de rire.

“Je me sens chez moi”

Dans la grande salle à manger, une dame de 48 ans, assise seule à une table, l’interrompt.

 

Les professionnels de santé participent activement au suivi des habitants de dette maison
Les professionnels de santé participent activement au suivi des habitants de dette maison
DDM – Paul Gazut

Elle veut aussi parler de sa vie, qu’elle résume comme une suite sans fin d’hospitalisations et de perte progressive de ses capacités. “Bientôt, je serai aveugle”, annonce-t-elle, sans trémolos dans la voix. C’est ainsi, son existence lui a appris la fatalité.

Elle n’est sûre que d’une chose : “Je me sens chez moi”, murmure-t-elle, en balayant du regard la salle à manger. Soudain, elle hausse le ton : “Je veux mourir ici !”

Vivre jusqu’au bout

La Maison de Vie de Cahuzac-sur-Vère est en avance sur le législateur. En effet, le projet de loi relatif aux “maisons d’accompagnement” dédiées aux malades et à la fin de vie ne devrait être examiné que ce printemps au Parlement. En dix ans, une centaine devrait voir le jour.

À la Maison Astrolabe, dans le Tarn, on attend ce texte avec impatience pour donner un cadre juridique précis à cette structure pionnière. Ce n’est pas parce qu’on est gravement malade, très âgé ou même en situation de soins palliatifs que l’on va mourir demain.

À Cahuzac, la Maison Astrolabe permet donc à ses locataires de profiter des petites choses de la vie quotidienne.

Les professionnels de santé participent activement au suivi des habitants de dette maison
Les professionnels de santé participent activement au suivi des habitants de dette maison
DDM – Paul Gazut

C’est un lieu ouvert où on les chouchoute, où on leur permet de vivre ce qu’elles ont à vivre jusqu’au bout, tout en étant pleinement dans la société.

Après deux ans d’existence, le constat fait chaud au cœur : une prise en charge exemplaire et pas plus onéreuse (1 600 € par mois) pour les personnes en grande vulnérabilité ou en fin de vie.

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